À la recherche des plus beaux refuges des Alpes

À la recherche des plus beaux refuges des Alpes

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Apercevoir un refuge est toujours un moment particulier, qu'il soit une simple étape sur la route des plus hauts sommets ou l'objectif d'une randonnée. Hors du monde et du temps, ces abris lancent de vrais défis aux architectes qui peuvent y laisser s'exprimer toute leur créativité.

Fascinés par ces structures aux formes insolites, Guillaume, Sam, Soern, Rose et Clément ont monté une expédition estivale à la recherche des plus belles cabanes des Alpes, entre le Val Ferret, la vallée de Sion en Suisse et la vallée de Suze en Italie. L'objectif : dormir chaque nuit dans un nouveau refuge et passer d'un point de départ à l'autre en auto-stop.

Si les étapes prévues ne nécessitaient pas de matériel spécifique, quelques-unes des randonnées présentées ici sont techniques, avec certaines courses cotées T5 (plus haute cotation en randonnée non-équipée) et des passages aériens. Une aventure ambitieuse qui nous rappelle aussi qu'en montagne tout ne se passe pas toujours comme prévu et que la sécurité doit toujours primer.

Table des matières

Liste des plus beaux refuges des Alpes visités

Établir une liste des plus beaux refuges des Alpes n'est pas chose aisée ! Non exhaustive et subjective en voici ma version :

  1. Stockhorn Biwak (2 598 m)
  2. Bivouac du Dolent (2 667 m)
  3. Bivacco Cesare Fiorio (2 724 m)
  4. Bivacco Gervasutti (2 833 m)
  5. Bivouac Hannibal (2 477 m)
  6. Bivouac Walter Blais (2 900 m)
  7. Bivacco Matteo Corradini (2 908 m)
Les plus beaux refuges des Alpes n°1 : Stockhorn Biwak (2 598 m)

1. Stockhorn Biwak (2 598 m)

Le souffle court, j’arrive enfin à bout de 200 mètres de grimpette à la verticale. La journée a été particulièrement dense : après une nuit dans le bus entre Paris et Berne, un train matinal nous a emmenés en vallée de Sion, au Sud de la Suisse. Nous avons entamé sans plus attendre notre première randonnée comportant 1 600 mètres de dénivelés positifs.

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Au loin, j’aperçois notre objectif de la journée : le bivouac du Stockhorn, un petit igloo géométrique blanc posé sur des pilotis en métal surplombant la vallée. Au milieu de ce paysage rocailleux, on croirait voir le module lunaire des missions Apollo. Construit en 1974, il fait dix mètres carrés pour une capacité de 18 personnes. C’est la première fois que je le vois, mais j’ai pourtant l’impression de le connaître par cœur. Il faut dire que cela fait bientôt un an que j’organise cette escapade.

La naissance du projet

Ce projet est né l'été dernier. Avec trois amis, nous avions entamé une traversée de la Slovénie en stop et ajouté quelques belles randonnées à notre itinéraire après avoir entendu parler de curiosités que nous pensions alors propres à la région : les « bivaks ». Ces cabanes non gardées, au design original, sont perchées sur les hauteurs des Alpes Kamnik et laissées à disposition des marcheurs. Bivak pod Skuto, pod Kemperla, Kanin… Émerveillé par ces constructions minimalistes éloignées de toute civilisation, j'ai entrepris des recherches dès notre retour, avec une idée en tête :

Existe t-il de tels bivouacs dans les alpes françaises, suisses ou italiennes ?

J'avais ouvert la porte d'un nouveau monde insoupçonné. Anciennes ou modernes, minérales ou métalliques, abordables ou inaccessibles, une mosaïque de petites capsules alpines sont apparues après une simple recherche « Google image ». J'ai immédiatement entrepris leur référencement sur une carte virtuelle. Il a parfois fallu fouiller des heures, recouper les informations sur différents sites ou même jouer aux géographes 2.0 grâce à des cartes satellites à la recherche de ce qui pouvait ressembler à une construction humaine au milieu des alpages.

Au bout de quelques mois, le confinement aidant, nous en avons localisé plus de deux cents. La suite du projet était toute trouvée : réaliser un périple en itinérance à travers les Alpes en passant la nuit dans quelques-unes des cabanes les plus originales. Cinq amis, deux semaines, une douzaine de bivouacs de la Suisse à l'Italie en passant par la France.


2. Bivouac du Dolent (2 667 m)

Assis sur les roches humides devant l’entrée du Stockhorn Biwak, nous regardons les nuages qui s’amoncellent dans la vallée. Il est 6h00 du matin et les prévisions météo s’annoncent très défavorables pour notre ascension prévue vers la cabane des Pantalons Blancs. Tant pis, les Pantalons attendront ! Nous faisons une croix sur cette étape afin d’essayer d’atteindre directement la cabane suivante : le bivouac du Dolent.

La journée commence par 3 heures de descente en passant par un bisse, vertigineux canal d’irrigation creusé dans des troncs d’arbres et fixés à flanc de falaise. Arrivés dans la vallée, nous entamons notre première session de stop. Nous sommes agréablement surpris par l’efficacité de ce moyen de locomotion dans la région. « C’est qu’ici, dans le Vallon, tout le monde se connait depuis des générations. Aider quelqu’un sur le bord de la route, c'est dans nos gênes ! » nous explique un habitant de la région au fort accent Suisse qui vient d’effectuer un détour de trente minutes pour nous déposer à notre destination.

Nous entamons la seconde randonnée de la journée en milieu d’après-midi. Au programme, le même dénivelé positif que la veille mais, cette fois-ci, réparti sur seulement 3,6 kilomètres. C’est d’ailleurs à ça que pourront se résumer la plupart des prochains jours. Descendre le matin, monter l’après-midi. Dès les premiers pas, je comprends la difficulté de l'exercice. Cette alternance de longues ascensions et de descentes est éreintante, autant pour le physique que le mental…

À l'aveugle

Au bout d’une heure, mon cerveau se met en pilote automatique. La brume nous envahit et nous ne distinguons bientôt plus rien à 10 mètres à la ronde. Je reste focalisé sur le mouvement mécanique de mes jambes et l’écho de ma respiration dans ma boîte crânienne. Ce voile blanc, partout autour de nous, est abrutissant. J'ai du mal à respirer et ma gourde est déjà presque vide. Nous marquons une pause et tendons l’oreille. Deux d’entre-nous disparaissent dans le brouillard, bouteilles à la main, en direction d’un bruit de ruissellement. Dix minutes plus tard, ravitaillés, nous repartons.

« Le voilà ! »

La journée semble interminable. Ces cabanes isolées ne sont que très rarement alimentées en eau. Il faut s’économiser afin de garder au moins un litre par personne. « Le voilà ! » Nous levons immédiatement les yeux. Une carcasse orange sur un promontoire rocheux surgit du paysage cotonneux. Les deux hublots avant en guise de globes oculaires, ce nautilus des montagnes semble nous regarder, étonné de nous voir arriver. Nous entrons. À bout de souffle, je m’écroule sur une des couchettes. Nous serons seuls dans la cabane, ce soir. Après un repas frugal, encore étourdi par l’effort, nous fermons les yeux. Cette nuit, nous naviguerons au milieu des nuages.


3. Cesare Fiorio (2 724 m)

Aujourd'hui, nous traversons la frontière italienne en direction du bivouac Cesare Fiorio. Immobilisé par quelques chutes de neiges, nous décidons d’y rester deux nuits afin de nous reposer après ce début d’aventure sportif. À quelques mètres de la cabane, nous apercevons une tonnelle grisâtre. Ce caisson métallique est le type de bivouac le plus répandu dans les environs ; de petites boîtes de conserve de quelques places, arborant souvent des couleurs vives et servant de base logistique pour les alpinistes.

Randonnée vs. alpinisme

Les cabanes que nous fréquentons leur sont d’ailleurs le plus souvent destinées. Ce que nous considérons comme notre principal objectif, n’est pour eux qu’un simple abri servant d’étape vers des sommets bien plus difficiles. Il faut reconnaître une certaine ambivalence dans notre démarche, bien différente de celles des alpinistes. Nous voyageons à travers les paysages les plus grandioses et impressionnants d'Europe à la recherche de ces minuscules capsules pour, dans la plupart des cas, leur intérêt esthétique. Je crois que nous souhaitons simplement « capter » une ambiance en s’appropriant les lieux, durant une nuit, loin de tout.

4 : Bivouac Gervasutti (2 833 m)

Nous nous remettons en marche. L’ascension est technique jusqu'au bivouac Gervasutti, destination du jour. Plusieurs cordes fixes sont installées le long des parois afin de sécuriser certains passages. Nous arrivons devant un premier névé. Ces grands bancs de neige à flanc de montagne, installés dans des recoins que le soleil n’arrive pas à atteindre, sont de véritables patinoires. Nous évoluons lentement, crispés, concentrés sur les quelques traces déjà présentes devant nous. Au moindre faux pas, c’est la glissade assurée jusqu'aux rochers en contrebas.

La cabane a été installée à côté d’un glacier. Vue d’ici, elle semble si proche. Mais derrière un petit talus, un nouveau névé à traverser, puis un autre et encore un autre… C'est épuisant. Un dernier passage délicat aidé par des cordes et ça y est, nous y sommes enfin.

Il s’agit sûrement d’une des constructions les plus impressionnantes que nous ayons référencées sur notre carte. De profil, on dirait que sa carlingue tubulaire peut basculer dans le vide d’un moment à l’autre. À l’intérieur de ce mobil home alpin suréquipé (on y trouve même des plaques à induction et un ordinateur… qui ne fonctionnent plus !), une large ouverture vitrée offre un panorama à couper le peu de souffle qu’il nous reste.

Après avoir pris possession des lieux, un de nous aperçoit quelque chose à travers la baie. « Les gars, venez voir ! » Sous nos yeux, un énorme sérac positionné en amont de la cabane se détache, se brise, et envoie ses morceaux de glace gros comme des congélateurs. Nous nous lançons des regards inquiets en rigolant, nerveusement.

Après une nuit dans ce cadre unique, à rêver des pires scénarios possibles, nous entamons la descente en milieu de matinée. Nous essayons d’emprunter des chemins alternatifs afin d'éviter les passages les plus délicats tout en scrutant les séracs au-dessus de nos têtes. Arrivés dans la vallée, nous sentons que quelques choses cloche : pas une voiture, ni un randonneur… Nous sommes seuls au monde.

Prudence est mère de sureté

Enfin, nous trouvons un habitant qui nous explique la cause de cet inquiétant silence : le glacier adjacent à celui que nous venons de quitter menace de s’effondrer et la vallée a été évacuée ! Nous n’en revenons pas d'avoir fait preuve d'autant d'imprudence. Nous rejoignons le barrage de police avant de nous faire escorter jusqu’à Courmayeur.

5 : Bivouac Hannibal (2 477 m)

Après quelques jours de repos ponctués par des sessions de stops en Italie, des baignades dans les cascades et des nuits à la belle étoile, nous reprenons le chemin des cabanes dans le Val de Suze, direction le bivouac Hannibal, sur la frontière franco-italienne. Les paysages changent du tout au tout. Les décors arides laissent place à des plateaux d’herbes grasses et des passages boisés. Dans la lumière du soir, à quelques mètres la cabane, des rayons de soleil rougeâtres se reflètent dans le cours d’eau qui glisse comme un immense serpent argenté à travers la vallée. Gandalf et Frodon ne doivent pas être bien loin…

Les cabanes que nous visitons durant notre aventure possèdent entre 5 et 15 places. Le nombre de couchage nous oblige à arriver le plus tôt possible afin d'y trouver une couchette disponible. Si nous sommes finalement seuls dans la plupart des bivouacs visités, nous y faisons aussi de magnifiques rencontres et passons des soirées inoubliables autour d'un jeu de carte ou d'un fromage local en compagnie de colocataires allemands, français ou italiens.

L'intérieur du Bivouac Hannibal
Les plus beaux refuges des Alpes : bivouac Hannibal (2 477 m)


6. Walter Blais (2 900 m)

Objectif du jour : le bivouac Walter Blais. Une partie de l’étape n’est pas balisée. Nous grimpons un col guidés par les cairns. Une fois de l’autre côté, la brume se lève et nous évoluons maintenant dans un paysage lunaire au milieu du granite et des vastes coulées de neige givrées.

Nous venons tout juste de fermer la porte de la petite hutte en bois rouge qui nous servira de toit pour la nuit, quand l’orage éclate. Dehors, la montagne semble s’ébranler. Emmitouflés dans des couvertures, nous débattons de la suite à donner au projet. Les prévisions des prochains jours nous contraignent à abandonner une nouvelle cabane. C’est la troisième que nous écartons, mais dans ce royaume où le temps peut changer à tout moment, la météo est souveraine.

Les plus beaux refuges des Alpes : Bivouac Walter Blais


7. Bivacco Matteo Corradini (2 908 m)

Après une étape à la chapelle bivouac de la Cima del Bosco, nous partons pour notre dernier objectif : la cabane Matteo Corradini. Nous traversons plusieurs alpages avant d’entamer une ascension par la crête. La fatigue des deux dernières semaines commence à se faire sentir.

Au loin, après 4 kilomètres sur cette arête balayée par les vents, nous apercevons enfin le parallélépipède couleur ardoise. Le soleil traverse de part en part la cabine par deux grandes ouvertures en verre. Tout le paysage semble s’inviter à l’intérieur du petit habitacle.

Portés disparus

Sur une étagère en planche de pin, plusieurs photos d’un garçon d’une vingtaine d’années sont encadrées. Le bivouac a été construit en 2019 en mémoire de Matteo Corradini, un jeune homme disparu en montagne. La plupart des cabanes que nous venons de visiter sont ainsi des petits mausolées alpins. Pour la plupart, érigés en hommage à des femmes et des hommes décédés dans la région. Cette perspective renforce l'atmosphère intemporel qui règne en ces lieux.

La nuit, à l’étroit dans ce sarcophage en métal, mon cerveau rembobine en accéléré les quatorze jours d’aventure unique que nous venons de vivre. Demain, nous retournerons dans les méandres de la civilisation. Mais pour le moment, comme un enfant perché dans sa cabane à la cime des arbres, le ciel à la portée des doigts, mon esprit s’égare dans les étoiles.

Une randonnée à la recherche des plus beaux refuges des Alpes
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